Comprendre les enjeux de l'agriculture

Sont alors apparus les tracteurs munis de GPS guidés mètre par mètre dans leur travail de labour ou d’épandage parcelle par parcelle : doses millimétrées de fertilisants, pesticides, semences. L’irrigation était elle-même même soigneusement adaptée aux besoins du sol. A l’image du marketing digital, l’agriculture de précision fait du one to one, du sur-mesure.

Le bétail n’a pas été épargné par cette révolution. Grâce à des senseurs, un éleveur peut savoir quand sa vache est prête pour une insémination artificielle ou quelles sont les maladies qui peuvent l’affecter.

Dès les années 2000, 40 à 50% des cultivateurs américains de blé, de maïs et de soja utilisaient des capteurs de rendement. Une étude du Département de l’Agriculture américain de 2011 permit déjà de dégager quelques résultats, certes peu spectaculaires, mais assez remarquables :

  • Les utilisateurs de capteurs de rendements obtenaient de biens meilleurs résultats que les autres ;
  • Les utilisateurs de capteurs de rendement de blé et soja dépensaient sensiblement moins d’essence ;
  • Les utilisateurs de la cartographie GPS et d’outils de mesure de rendement obtenaient de bien meilleurs rendements.

Et, pourtant, à l’échelle nationale, dans la Corn Belt, les différents outils de précision n’étaient alors adoptés que par 12% des fermiers.

L’expression « agriculture de précision » a acquis un sens plus trivial en Europe, résumé par l’expression : la bonne dose (d’intrants), au bon endroit et au bon moment. Ou plus simplement produire plus avec moins. Pour sacrifier à la doxa écologique, cela signifie : améliorer la productivité tout en éduisant les nuisances environnementales. Ce n’est guére suffisant pour les adversaires farouches de tout intrant chimique.

Par contre, pour ce qui nous concerne, cette agriculture de précision était porteuse d’une révolution autrement plus profonde qui réconciliera un jour agriculture et climat, productivité et environnement. Nous voulons parler de l’agriculture numérique.

Le passage de l’agriculture de précision à l’agriculture numérique s’est produit grâce à un banal ordinateur et un stupide smartphone. L’agriculture numérique est née lorsque l’agriculteur a communiqué avec son smartphone et son ordinateur et fait communiquer entre eux capteurs, satellites, drones et autres GPS avec son ordinateur et son smartphone. Désormais, de simples informations d’exploitation, acquièrent le statut de data, c’est-à-dire d’outils d’aide à la décision et d’instruments prédictifs. Bref, l’agriculture numérique est née lorsque l’on s’est rendu compte que les communications entre capteurs, GPS ou ordinateurs ne produisaient pas que des recommandations en matière de fertilisation ou d’irrigation, mais des informations d’une valeur inestimable.

Dans l’histoire de l’agriculture, le data a la même importance que le tracteur ou le fertilisant. Encore mieux, le data est l’avenir de l’agriculture.

Le matériel a accompagné cette révolution. Les smart machines font leur apparition. Elles forment un écosystème dans lequel toutes ses composantes, ordinateurs, smartphones, capteurs, drones, stations météo, GPS, tracteurs, moissonneuses-batteuses et systèmes auto-guidés, robots…communiquent et interagissent seuls. Les Allemands n’hésitent donc pas à parler de Farming 4.0 ou de small digital ecosystems (SDEs). Cette ferme futuriste commence à exister. Forme la plus aboutie de la ferme connectée, elle appartient au stade ultime de l’agriculture numérique : l’agriculture 4.0.

Ses résultats sont prometteurs. On estime, toujours en Allemagne, que l’agriculture 4.0 a considérablement permis d’augmenter les rendements tout en diminuant la consommation de nitrogène de 10% et celle des herbicides de 20%.

D’après Stéphane Marcel, Directeur général de SMAG, les avantages économiques du smart farming ne sont pas moins tangibles en France. Une exploitation full smart, permet à une exploitation moyenne de diminuer de 40% son empreinte écologique et génère 50 à 150 euros de revenu supplémentaire par hectare. En Asie, on constaterait 20 à 30% d’accroissement des rendements selon les cultures.
Aux Etats-Unis, l’American Federal Bureau indique que l’agriculture de précision a accru les rendements de 13% et le coût des intrants (semences, fertilisants, pesticides…) de 15%.

Avec le numérique, l’agriculture est devenue précise, prédictive, économe et autonome. Mais ce n’est pas tout. Comme nous le verrons (voir chapitre big data), elle devient intelligente grâce aux pentaoctets d’informations qu’elle produit. Ses données nous ouvrent la voie à des plateformes de service, de nouveaux modèles de collaboration et d’échange, d’organismes de certification infalsifiables (le blockchain) et à la destruction des effets nuisibles de l’agriculture par l’agriculture elle-même. Rêvez, vous finirez toujours par avoir raison.

L’ère de l’agriculture intelligente a commencé.

Quelques références utiles

Numérique : de quoi parle- t-on exactement ?

On entendra par agriculture numérique (digitale pour les anglophiles) toute technique agricole utilisant les ressources des nouvelles technologies de l’information. C’est l’expression la plus communément utilisée.

Quant aux chiffres 2, 3 et 4 souvent accolés à agriculture, ils font référence aux « utilisateurs » humains et/ou objets de ces techniques : 2 fait référence à la communication entre les hommes, 3 entre les homes et les objets et 4 entre les objets ( le modèle parfait de nouvelle usine allemande).

On parlera, enfin d’agriculture intelligente quand il s’agira d’agriculture préventive ou prédictive utilisant les ressources du big data et des plateformes.

Séquences de l’évolution de l’agriculture contemporaine :

1. Révolution verte
2. Agriculture de précision
3. Agriculture numérique 2. 3. Et 4
4. Agriculture intelligente

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