Comprendre les enjeux de l'agriculture

 

La culture de salades dans des usines closes, éclairées à l’électricité, a été lancée en 2006 par la société Spread. Après plusieurs années difficiles, le succès est au rendez-vous. Le modèle de production est exporté et copié par la concurrence. Plus de 190 sites industriels ont été recensés au Japon.

   « Légumes cultivés en usine ». L’enseigne Maruetsu commercialise à Tokyo les laitues « Vegetus » dans un rayon clairement identifié par son logo. Les consommateurs savent dorénavant distinguer cette marque de salades des autres. Elles sont cultivées hors sol, par hydroponie (1) dans un bâtiment fermé sans accès à la lumière naturelle. Les plantes sont en permanence éclairées par des néons.

Par ailleurs, les salades sont disposées en rangs serrés sur de vastes étagères, à une température de 25 degrés Celsius et à 60 % d’humidité. Pour croître, elles sont nourries par leur système racinaire trempé dans une solution riche en nutriments (nitrates, potassium, phosphores).

Quatre variétés de laitue sont ainsi produites par la société japonaise Spread dans un milieu à l’abri de toute contamination de micro-organismes par l’eau et d’infestation d’insectes par le sol ou par voie aérienne. Les salades ne sont pas concurrencées par les adventices. Aucun pesticide n’est employé tout au long du cycle végétatif des plantes.

Les légumes sont ainsi disponibles toute l’année et dotés d’une qualité gustative constante. Ils sont aussi vendus à un prix fixe alors que pendant l’hiver, les prix des légumes de saison cultivés dans les champs flambent. Leur croissance est ralentie par le froid quand les plantes n’ont pas, entretemps, gelé.

L’usine de Kameoka est le premier site industriel créé par la société Spread. 21.000 salades y sont produites par jour sur 2 900 m2 et sur plusieurs niveaux.

Depuis 2013, le succès est au rendez-vous après des débuts difficiles. Les dirigeants de la société se sont appuyés sur leurs compétences en productions légumières acquises lorsqu’ils dirigeaient des fermes traditionnelles. Aujourd’hui la société est devenue rentable grâce aux importants gains de productivité réalisés.

La High Tech s’y met aussi

Dans la Cité des Sciences du Kansai, à l’est de Séoul, Spread va inaugurer une nouvelle usine, encore plus automatisée que la première. Elle sera aussi dotée d’un éclairage spécial aux LED. Trente et un mille laitues seront produites quotidiennement après avoir été cultivées pendant 35 jours.

 A moyen terme, la société prévoit la construction de 20 unités de production d’où seront commercialisées 500.000 salades par jour (des laitues essentiellement).

Depuis quelques années, de plus en plus d’industriels, totalement étrangers aux secteurs agricole et agroalimentaire, investissent dans la construction d’usines. Le gouvernement japonais en dénombre 190, soit trois fois plus qu’en 2011. Hyper-connectées, elles attirent les leaders de l’informatique.

Selon le journal Le Monde (édition du 26 juin 2018), « Canon a annoncé en février 2018 sa participation, aux côtés de 9 autres entreprises et de la Banque japonaise de développement pour permettre à Vitec Vegetables Factory – filiale du spécialiste de la vente de composants électroniques Vitec – d’édifier d’ici à mars 2021 cinq usines à légumes, en plus des trois existantes de salades et de chou frisé ».

La société Tokyo Metro, qui gère le métro de la capitale japonaise, produit déjà 11 légumes dans une usine aménagée sous une voie ferrée.

« Par ailleurs, la société SPREAD s’implante à l’étranger pour diffuser ses systèmes de production. Ils préfigurent l’évolution des techniques culturales dans les toutes prochaines années», affirme Shinji Inada, le directeur de Spread. Sa société vise en particulier l’Europe.

Le gouvernement japonais soutient activement la production de légumes en usine. Il espère que l’essor de ces fermes-usines renforcera la souveraineté alimentaire du pays en le rendant par conséquent moins dépendant des importations de produits frais.

Il table également sur l’agriculture verticale (ou hors sol) pour relancer l’économie du département de Fukushima victime de la pire catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl.

La société Fujitsu a justement transformé sa fabrique de semi-conducteurs d’Aizu-Wakamatsu, ville de Fukushima, en une usine de légumes. Elle a été rejointe par Panasonic qui a construit sa propre unité de production.

(1)L’hydroponie ou culture hydroponique (ou agriculture hors-sol) est la culture de plantes réalisée sur un substrat neutre et inerte (sable, billes, laine de roche etc). Ce substrat est régulièrement irrigué d’un courant de solution qui apporte des sels minéraux et des nutriments essentiels à la plante.

Frédéric Hénin

Pour en savoir plus: http://spread.co.jp/en/company/