Comprendre les enjeux de l'agriculture
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Anne-Marie Paulais1 et Jean-Baptiste Pembrun2

 

De la traite des vaches à la cueillette de fruits, jusqu’au désherbage mécanique, les perspectives de la robotique agricole sont multiples et prometteuses. A l’instar des autres secteurs, la robotisation agricole a d’abord comme objectif d’automatiser les tâches répétitives. La liste des taches accomplies par les robots comprend quasiment l’ensemble des travaux agricoles : traite et soin des bovins, surveillance des volailles, logistique, épandage des intrants, désherbade, cueillette des fruits et légumes, etc. Souvent conçus sur mesure pour chaque type de plante, les robots répondent aux exigences de l’agriculture de précision et à celles du respect de l’environnement, notamment la réduction du recours aux désherbants chimiques. Les flottilles de minirobots autonomes et communiquant entre eux tendent à remplacer les engins lourds dommageables pour la conservation des sols. Elles coexisteront avec les gros tracteurs autonomes. Une question hante les esprits : va-t-on vers une agriculture sans agriculteurs ? En France seulement, 80 000 emplois seraient déjà menacés par la robotique. En fait, la robotique pourrait donner naissance à un nouvel agriculteur, tout à la fois agronome et technicien qualifié.

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Procleaner robot de lavage des salles en porcheries. photo AM.Paulais

C’est en France, au milieu des années 80, que Magali, le premier robot de cueillette, a été imaginé par l’Institut de recherche Cemagref (aujourd’hui Irstea) et la société Pellenc. Il est rapidement abandonné car il est trop cher à l’achat, il cause trop de dégâts aux arbres et, au final, il intéresse peu les arboriculteurs. Trente ans après, le projet ressort des cartons au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) qui pilote un programme de robotisation. L’enjeu est clair : baisser la part de la main-d’oeuvre dans le prix de revient des fruits.

Après des débuts poussifs, la robotique est aujourd’hui porteuse d’espoirs pour le monde agricole. La contrainte environnementale de plus en plus forte favorise l’avènement de nouveaux types de production, comme l’agriculture biologique ou l’agriculture de précision. Ces dernières nécessitent une main-d’œuvre accrue, pour réaliser, par exemple, un désherbage mécanique ou effectuer des traitements très localisés. Dans ce contexte, les robots peuvent apporter des solutions, en permettant d’effectuer avec précision des tâches répétitives libérant ainsi les agriculteurs pour d’autres opérations. On attend aussi des robots une meilleure productivité et un moindre impact sur l’environnement du fait de l’utilisation de machines plus légères. En élevage, la robotisation est une réponse à l’accroissement de la taille des troupeaux, à la difficulté à recruter des salariés et à la recherche d’une meilleure qualité de vie libérée de certaines astreintes comme la traite.

Trois catégories de robots agricoles

Selon leur degré de complexité et d’autonomie, les robots (agricoles ou non) peuvent être classés en trois grandes catégories (1) :

  1. Les plus simples sont les systèmes dont les outils embarqués n’ont pas de contact physique direct avec l’environnement de travail. Ce sont, par exemple, les plateformes robotisées de surveillance des parcelles, dotés de capteurs de mesures sans contact (caméra hyper-spectrale, lidar…). . Les plateformes d’assistance logistique pour le transport et le débardage, les robots d’épandage localisé d’engrais ou d’herbicides et les robots de pulvérisation font aussi partie de cette première catégorie.
  2. Les robots, dont les outils entrent en contact avec l’environnement de travail mais sans préhension, englobent les robots d’entretien mécanique des cultures (binage, désherbage mécanique, éclaircissage de fleurs…) et les robots de tonte.
  3. La dernière catégorie de robots est capable d’effectuer des tâches complexes avec contacts physiques des outils embarqués et préhension d’objets (plantes, fruits). Ce sont typiquement les robots destinés à des opérations de récolte, de taille et de plantation ou transplantation , toutes activités pour lesquelles il est de plus en plus difficile de trouver des opérateurs humains.

Gain de temps et réduction des contraintes

Antoine Boixière et André Sergent. Photo AM.Paulais

Lely vector en cours de remplissage en ferme. Photo AM.Paulais

Les robots se sont d’abord introduits dans les fermes d’élevage. Le premier robot de traite est apparu à la fin des années 80 aux Pays-Bas et en 1992 en France. On compte aujourd’hui dans l’Hexagone un peu plus de 4 800 robots de traite selon une estimation de l’Institut de l’élevage. Depuis quelques années, la robotique agricole s’est étendue au paillage et raclage des bâtiments et à la distribution des rations.
La dernière édition du salon Space (12 au 15 septembre à Rennes) a montré comment la robotisation se mettait au service de l’éleveur. Sur la plate-forme « l’Espace pour demain », les témoignages d’experts et d’éleveurs équipés sont venus nourrir durant 4 jours le débat à propos de cette nouvelle mutation agricole. André Sergent, président de la chambre d’Agriculture du Finistère, à l’origine de cette initiative, le dit clairement : « Le robot pose plus de question qu’il ne provoque de rejets. Il intéresse particulièrement les jeunes qui veulent s’installer, mais plus largement tous les éleveurs qui ont du mal à concilier élevage et vie de famille ».
Pour Antoine Boixière, associé avec son père au sein d’une exploitation laitière de 130 vaches laitières pour une référence de 1400 000 litres dans les Côtes-d’Armor, la robotisation allège le travail de l’éleveur, améliore sa qualité de vie en permettant de dégager du temps libre et améliore aussi le confort des animaux. Par exemple, en enregistrant les cellules chaque jour, il favorise la détection précoce des mammites. Equipé de deux robots de traite, le GAEC du Tertre Goutte a récemment robotisé la préparation et la

Lely vector Robot distributeur et repousse-fourrages. Photo AM.Paulais

distribution des rations aux vaches laitières (robot Lely Vector) ,sans compter le paillage et le raclage. Antoine Boixière envisage sérieusement l’acquisition d’un robot pour l’alimentation des petits veaux.
Pour certains éleveurs, le frein à l’adoption des robots est la demande de plus en plus pressante des consommateurs pour que les vaches sortent des étables et accèdent au pâturage. Quand le parcellaire le permet certains concilient pâturage et robot de traite.
En élevage porcin, les éleveurs ont de plus en plus de mal à trouver des salariés pour assurer le lavage des salles. Une solution robotisée Procleaner était exposée sur l’Espace pour demain.

* Ingénieur agronome de formation, Anne-Marie Paulais est journaliste, spécialiste des productions animales et de l’élevage.
Ingénieur agronome de formation, Jean-Baptiste Pambrun est journaliste, spécialiste des productions végétales et de l’agrofourniture.

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