Comprendre les enjeux de l'agriculture

4. Les acteurs de l’agriculture numérique

Le changement climatique, l’insécurité alimentaire et le désordre des prix agricoles et, surtout, cette stérile et lassante confrontation entre compétitivité et durabilité ont fini par convaincre les responsables de s’interroger sur la pertinence des outils numériques pour mettre un peu d’ordre dans la planète. Le parlement européen a voté le 30 mai 2016 une résolution sur les solutions technologiques pour une agriculture durable. L’USDA considère de son côté le big data comme le futur de l’agriculture.

Pleinement consciente de la contribution des agricultures familiales à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté, la FAO a lancé une plateforme numérique sur l’agriculture familiale. Le G20 en Chine, le 3 juin 2016, a pris des engagements concrets concernant la coopération relative à l’innovation. Outre les progrès prévus pour coordonner les initiatives scientifiques sous l’égide du G20, un groupe de travail doit être créé pour étudier les modalités de partage d’informations en matière de technologie. La FAO, l’IFPRI et l’OCD sont chargées d’établir des propositions concernant la coopération en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC).

Les initiatives en matière d’agriculture numérique foisonnent, doublonnent et il est encore tôt pour en deviner les orientations . Nous ne pouvons à ce stade que signaler celles des initiatives qui nous paraissent les plus prometteuses.

En Europe, le partenariat européen d’innovation « Productivité et développement durable de l’agriculture » (PEI-AGRI) est le principal levier d’innovation de la PAC (politique agricole commune) qui devrait prendre un tour résolument numérique en 2020. L’originalité de ce projet est de constituer au sein des PEI-AGRI les acteurs du secteur – agriculteurs, chercheurs, entreprises, ONG – en groupes opérationnels chargés de trouver des solutions innovantes par pays ou régions.

Une des originalités de l’initiative européenne est l’implication des industriels du machinisme agricole numérique, CECE/CEMA, qui réclame une digitalisation accrue du matériel, une interopérabilité des matériels européens, des programmes d’aide et de formation européens, la généralisation du haut-débit à l’ensemble des foyers européens et la généralisation de la culture digitale. Le Farm Bureau aux Etats-Unis, de son côté, est très impliqué dans le big data.
Les grands groupes financiers et industriels (Crédit agricole, Airbus…). Les leaders mondiaux du secteur agricole que ce soit dans le machinisme comme John Deere avec MyJohnDeere.com ou Bayer et BASF dans la chimie, ont compris l’intérêt du numérique en agriculture.

L’industrie des fertilisants est très active en matière de recherche de capteurs capables de détecter les déficiences d’une plante dans l’un des trois nutriments de base N, P et K. Il est déjà possible à un appareil de détecter les déficiences en azote d’une plante en la pinçant. OCP possède près de Ben Guérir au Maroc qui configurera automatiquement les mélanges adéquats des trois composants artificiels N,P et K (azote, potassium et fer) par type de culture.

Bayer aide actuellement le Brésil à éradiquer une chenille répandue dans tous les champs brésiliens et coûtant à l’agriculture brésilienne 5 milliards de dollars : une combinaison de pièges à chenilles envoie des informations en temps réel sur les champs infestés provoquant une réaction calibrée pour un usage limité de fongicides.

C’est aussi le cas de grandes entreprises adaptant des solutions prévues pour d’autres usages à l’agriculture. AIRBUS et la NASA offrent leurs services notamment pour l’imagerie de très haute précision. Le secteur de la finance n’est pas en reste : Crédit Agricole, en France, et Rabobank aux Pays-Bas investissent beaucoup dans l’agriculture numérisée notamment pour accompagner les jeunes agriculteurs et faire émerger des startups dans le domaine agricole. Il n’est pas jusqu’à Intel qui ne s’intéresse à la survie des abeilles en leur implantant des micro-capteurs sur le dos. Il existe d’ores et déjà des robots planteurs de peupliers.

Les Startup. Royaume du big data, l’agriculture numérique est devenue le terrain de jeu favori des start up. Tous les acteurs du numérique s’intéressent à l’agriculture, des géants de la Silicon Valley à l’étudiant avide de créativité. Des startups émergent dans tous les domaines, de la gestion des parcelles au market-place pour l’approvisionnement des exploitations agricoles en passant par les plateformes de crowdfunding ou de vente directe. En France, cinq de ces startup se sont rassemblées dans l’association La ferme digitale pour assurer ensemble leur promotion dans les manifestations agricoles.

Les think tank : de nombreux Think tank s’intéressent à l’agriculture, c’est le cas en France de Renaissance numérique qui, réunit des grandes entreprises de l’Internet, françaises et multinationales, des entrepreneurs, des universitaires ainsi que des représentants de la société civile et qui a réalisé, en 2015, un livre blanc très documenté sur les défis de l’agriculture connectée dans une société numérique. Saf’Agridée, laboratoire d’idées pour les secteurs agricole, agro-alimentaire et agro-industriel travaille, lui, sur la ferme du futur et le rôle que joueront le big data et l’agriculture de précision. Le think tank américain FoodTank a ,quant à lui, publié de nombreux rapports sur l’agriculture numérisée.

Les ONG : beaucoup d’ONG s’intéressent à l’agriculture, que ce soit pour lutter contre la pauvreté, assurer la sécurité alimentaire ou à des fins environnementales. Elles sont le plus souvent conscientes de l’intérêt que présente le numérique en matière d’association de productivité et d’environnement. Celle qui a le plus conscience de l’opportunité qu’offre le numérique en matière agricole est la Fondation Bill et Melinda Gates.

Last but not least, le consommateur est le premier bénéficiaire de ces bouleversements. Transparence et confiance sont certainement les deux valeurs fondatrices des relations consommateurs-producteurs agricoles. Il revient justement au numérique de fonder matériellement, de donner substance à ces valeurs : puces RFID, réseaux sociaux, blockchain restaurent les liens de confiance d’hier et en créent de nouveaux.

La. Le numérique est au cœur même de la revendication de traçabilité qui devient une revendication quasi-universelle. En matière d’élevage, par exemple, chaque mouvement de l’animal, de sa conception à l’assiette est dûment répertorié. Grâce au blockchain, le moindre steak a son passeport lisible grâce à un smartphone.

La traçabilité devient un phénomène de société. Citoyens-consommateurs ou défenseurs de l’environnement organisent leurs propres outils de traçabilité. L’Open Food Act, par exemple, attribue un score nutritionnel à près de 40 000 aliments ; il est consultable par tout un chacun. Buycott permet de faire ses courses de façon responsable. GoodGuide, lui, répertorie 250 000 produits en fonction de leur impact sur la santé et l’environnement.

Ce souci de bien être a donné lieu à des inventions qui peuvent faire sourire : ainsi, bracelets, assiettes et fourchettes connectés permettent d’équilibrer besoins personnels et aliments ingérés…

Traçabilité sur toute la chaîne. Agridemain en France ou Agriculture plus que jamais au Canada exposent en toute transparence les activités de leurs fermes. A l’Exposition Universelle de Milan en 2015, on pouvait admirer les prouesses technologiques des supermarchés dont le travail d’empaquetage des produits par les robots. Nous ne sommes, par ailleurs, qu’au début de bouleversements dans l’organisation des circuits de distribution.

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